Voici la synthèse du rapport Vaillant. Vous pouvez télécharger un pdf avec des informations complémentaires juste en-dessous de ce texte (icône pdf). Le rapport complet viendra en son temps. Merci au groupe de travail de monsieur Daniel Vaillant, et à lui-même, pour d’une part avoir su prendre les choses en mains  (quand bien même ça ne porte pas de fruits tout de suite, ça jouera dans un avenir proche), et d’autre part s’être donné les moyens de travailler sur ce sujet qui est trop longtemps resté tabou, sous influence de mensonges hypocrites, une politique de la peur qui a toujours préféré effrayer plutôt que d’agir convenablement.

 

Auteurs : Groupe de travail « Légalisation contrôlée du Cannabis »
Date : 15 juin 2011

Résumé du rapport

PARTIE I

Sortir de l’hypocrisie : le bilan de la loi de 1970 et de la politique de prohibition

La police et la justice, qui fondent légitimement leur action sur la loi de 1970, consacrent beaucoup de leurs moyens, financiers et humains, à la répression, sans être en situation d’endiguer le phénomène. C’est pourquoi le groupe de travail en appelle dans la première partie de ce rapport à « Sortir de l’hypocrisie » en dressant le bilan d’une politique inefficace.

La France mène depuis 1970 une politique de prohibition à l’égard du cannabis. A cette fin, le simple usage est sévèrement puni par la loi d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. La protection sanitaire et sociale qu’il entend apporter à la société n’est possible que si l’abstinence visée est atteinte. Or, le cannabis est aujourd’hui le produit illicite le plus consommé en France.

Parmi les 15-64 ans, trois individus sur dix l’ont déjà expérimenté tandis que 43,1% disent s’en être déjà vu proposer. Au total, 46 % de la population a été en contact avec le produit de l’une de ces deux manières.

En 2005, près de 4 millions de personnes, ont consommé du cannabis au moins une fois dans l’année, chiffre correspondant à une augmentation de 600 000 individus depuis 1999. Il convientd’ajouter que, parmi ces 4 millions, 1 200 000 sont des consommateurs réguliers.

Parallèlement, sur le plan répressif, les condamnations pour usage ont doublé entre 2002 et 2008 alors que celles sanctionnant les trafics diminueraient.

Est-il légitime alors de maintenir cette politique de prohibition ? Certes ses ambitions de protection de la société sont en apparence louables. Cependant, en pratique, la France se trouve confrontée à un usage massif de cannabis dont elle ne parvient pas à limiter et réduire les risques.

Dès lors, il convient de se demander s’il n’existe pas une perspective plus réaliste et efficace de protection de la santé et de la sécurité des français, qu’ils soient, ou non, consommateursde cannabis.

PARTIE II

Préconisations : la légalisation contrôlée du cannabis

1- La légalisation contrôlé du cannabis :
une approche innovante

La légalisation contrôlée du cannabis prend le contre-pied des politiques prohibitionnistes. Le centre de gravité de l’interdit posé par la loi est déplacé. Il ne s’agit plus de prôner une abstinence illusoire mais de modérer la consommation des Français.

Sur le plan de la santé publique, la légalisation contrôlée permet, grâce à l’encadrement de la production et de la distribution, d’instaurer une politique de réduction des risques. Elle offre les moyens nécessaires à l’encadrement de la consommation de cannabis et à la sanction des abus nuisibles pour la société. En cela, ce système apporte une première réponse au constat fait par le groupe de travail selon lequel la consommation du cannabis n’est pas une pratique anodine.

Pour les auteurs de ce rapport, la simple dépénalisation de l’usage paraît inappropriée et contraire à la protection de nos concitoyens. La conduite d’un véhicule, l’exercice de métiers « à risques », l’inhalation passive de fumée, sont autant d’hypothèses qui témoignent de la nécessité d’encadrer cette pratique.

Voilà l’occasion de prendre conscience qu’opter pour une alternative à la prohibition, n’est pas faire preuve de laxisme. Bien au contraire, non seulement la légalisation contrôlée permet un véritable encadrement de la consommation de cannabis et de sanctionner tout abus. Surtout,elle prévoit une réponse nouvelle et plus adaptée à l’ensemble des problématiques sanitaires et sociales qu’elle soulève.

2 – Éléments d’évolution législatifs :
vers une légalisation contrôlée du cannabis

A) La reconnaissance rapide de l’usage thérapeutique du cannabis

L’utilité médicale du cannabis est désormais très largement acceptée par la communauté scientifique internationale. En 15 ans, la liste des pays ayant fait évoluer leur législation pour permettreaux malades d’avoir accès au cannabis, n’a cessé de croître. Il est un devoir de santé publique pour soulager les patients français d’autoriser l’accès au traitement en prenant acte des avancées médicales.

B) La mise en place d’une véritable politique de prévention des risques
dès le plus jeune âge et tout au long de la vie

Actuellement, la politique de prévention française est particulièrement insatisfaisante, insuffisante et surtout inefficace. Ce n’est pas l’interdiction mais bien la prévention qui permettra, en amont, de modifier les comportements, d’apprendre à maîtriser sa consommation, évitant ainsi l’échec scolaire, les dépressions et autres risques sanitaires liés au cannabis. Prenons en acte et bâtissons une vraie politique de santé publique autour de ce produit, car un monde sans drogues n’est pas possible.

C) La légalisation de la consommation pour les majeurs
avec un encadrement et un contrôle strict de la production,
de l’importation et de la distribution

Le but n’est pas de créer un droit à la consommation du cannabis mais de limiter les conséquences sociales, sanitaires et économiques négatives liées à sa consommation et son trafic. Une production encadrée et une distribution sécurisée et à un contrôle de la qualité des produits commercialisés y contribueraient. Le cannabis et l’alcool, drogue licite dont la production, la vente et la consommation sont légalement contrôlés, peuvent être comparés. Souvenons-nous de la prohibition de l’alcool au Etats-Unis. Elle a échoué après avoir permis l’essor et l’installation durable de mafias répondant à la demande par la contrebande.

1. La création d’une filière nationale du cannabis inspirée de celle du tabac

L’existence d’une offre illicite de cannabis empêche le contrôle par les autorités de la qualité du produit. Aucune mesure ne peut donc être prise sur cette dernière afin d’en réduire la nocivité. Devant une consommation impossible à éradiquer, il faut tout mettre en œuvre pour en limiter les effets néfastes sur la santé de nos concitoyens. Particulièrement attachée à cet aspect, la légalisation contrôlée entend justement encadrer la consommation grâce à la création d’une filière nationale du cannabis organisant et gérant la production et la distribution de ce produit. Une telle solution semble présenter le double avantage d’aller dans le sens d’une réduction des risques, tout en protégeant l’ordre public par l’éradication du trafic. Enfin, le monopole fiscal de l’Etat s’en trouvera renforcer.

2. Une production sous contrôle

La création d’une filière nationale du cannabis nécessite, dans un premier temps, la mise en place sur le territoire français d’un dispositif de production de cannabis. Il convient, en effet, pour la réussite du système de légalisation contrôlée, que l’Etat soit en mesure de fournir cette substance, sous forme de résine ou d’herbe, à l’ensemble des consommateurs. L’enjeu est de taille, car une carence dans cette production nationale risquerait de favoriser la survie du trafic que nous souhaitons éradiquer.

3. Un système de distribution sécurisé

Sur les modèles de l’alcool et du tabac, l’Etat doit contrôler la distribution de cannabis, tout en interdisant la publicité et la vente aux mineurs.

Dans un système de légalisation contrôlée, le consommateur majeur pourrait acheter son cannabis dans deux types d’établissements dédiés.

Le premier serait uniquement consacré à la vente, comme le sont les débits de tabac.

Le second, lieu de sociabilité, offrirait une solution contre les occupations des halls d’immeubles par des jeunes fumant du cannabis faute d’autres lieux pouvant les accueillir. Il permettrait l’achat et la consommation sur place grâce à un système d’extraction d’air. La vente d’alcool y serait strictement interdite.

Enfin, ces établissements dédiés ont vocation à transmettre à chaque acheteur un message de prévention des risques et à protéger les mineurs des lieux de consommation.

D) Contraventionnaliser les conduites à risques

Légaliser de manière contrôlée le cannabis consiste à punir avec discernement et justice le consommateur de cannabis lorsqu’il conduit un véhicule sous influence.

En plus des tests existant à l’étranger mais subissant la loi de la concurrence pharmaceutique, des recherches scientifiques doivent être menées en France afin d’établir plus précisément quel le taux de THC dans le sang caractérise l’état d’ivresse cannabique.

De plus, il apparaît indispensable que le personnel affecté à des métiers dangereux ne soit sujet à aucune altération de leurs perceptions et des facultés de jugement en faisant l’objet de test dépistage prophylactiques.

E) Réprimer plus sévèrement les trafics et l’économie parallèle

Le système de prohibition actuel est complice du trafic de cannabis. Dès lors que les usagers d’une drogue s’approvisionnent par des voies illicites, les pouvoirs publics se retrouvent dans l’incapacité de mettre en œuvre une politique sanitaire efficace notamment en matière de « réduction des risques ». Un dealer n’a que faire de l’âge de son client, de la qualité du produit qu’il lui vend.

Contrairement à la dépénalisation qui donne le droit de consommer, sans acheter, ni vendre, la légalisation contrôlée du cannabis répond au fléau des trafics. La complexité de la question ne doit pas nous interdire de réfléchir à un système de régulation. Prétexter que des jeunes vivent de ce trafic dans certains quartiers revient à renoncer à leur offrir les conditions d’un meilleur avenir. Nous ne pouvons tolérer que la paix sociale soit achetée d’une quelconque manière.

Conclusion

Opter pour une alternative à la prohibition, n’est pas faire preuve de laxisme.

Bien au contraire, non seulement la légalisation contrôlée permet un véritable encadrement de la consommation de cannabis et de sanctionner les abus, mais elle prévoit surtout une réponse nouvelle, plus adaptée, à l’ensemble des problématiques sanitaires et sociales liées au cannabis.

Les auteurs du rapport conseillent donc d’ouvrir après 2012 un grand débat public, sous l’égide d’une mission d’Etat temporaire, présidée par une personnalité publique incontestable et composée de parlementaires de tous bords et de personnalités qualifiées.

 

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(cliquez ci-dessous)

Tags: Daniel Vaillant, étude, légalisation contrôlée, rapport

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