Le Matin, le 13 septembre 2011

La lutte contre le cannabis doit-elle être prioritaire pour la police?

La police a survolé la ville de Bienne en hélicoptère pour identifier les cultivateurs d’herbe.

Survoler la ville en hélico pour traquer les fumeurs de joints, c’est l’opération menée ces dernières semaines à Bienne par la police bernoise. Les cultivateurs d’herbe n’en reviennent pas: «La police a débarqué chez moi en brandissant une photo aérienne comme moyen de preuve», affirme un résidant biennois.

Ce qui surprend, ce ne sont pas seulement les moyens déployés, mais la cible visée: «Nos plantes servent notre consommation personnelle: nous ne sommes pas des trafiquants», disent les personnes interpellées.

«J’ai éduqué mes enfants, j’ai toujours travaillé, et je me sens traitée comme une criminelle», dit une employée de 51 ans. Quand deux policiers ont sonné chez elle, c’est sa fille majeure qui a dû les accueillir: «Elle était choquée. Les agents ont fouillé toutes les armoires», témoigne la maman.

Mandat de perquisition

Comme moyen de preuve, les policiers – munis d’un mandat de perquisition délivré par une procureure – ont brandi une photo prise depuis la cour, qui montre quatre pots de marijuana à sa fenêtre.

Les plants ont été coupés et séquestrés mais si, après analyse, la teneur en THC devait se révéler inférieure à la norme pénale de 1%, les charges seraient abandonnées et les frais endossés par l’Etat.

«La saisie de cannabis est importante», confirme la police cantonale bernoise, par la voix de sa porte-parole Florie Marion. Pourquoi viser les petits consommateurs de drogue douce et surtout, pourquoi maintenant? «Il s’agit d’une action de grande envergure, mais notre lutte est permanente», soutient Florie Marion.

Pour la police cantonale, «il s’agit de rappeler que la marijuana et le cannabis sont des drogues illégales, que l’on soit trafiquant ou simple consommateur». L’argument avancé pour justifier une razzia, c’est le sentiment d’insécurité que procurent les plants cultivés devant une fenêtre ou sur un balcon, au même titre que le littering, par exemple. Partout où la police a trouvé de la marijuana, les plants ont été coupés et les propriétaires dénoncés.

«La lutte contre la drogue fait partie de nos priorités à Bienne», martèle Florie Marion. La police cantonale refuse de confirmer le survol de la ville par un hélicoptère équipé d’une caméra, mais la députée socialiste Emilie Moeschler voudra en avoir le cœur net, par le biais d’une intervention au Grand Conseil: «Quel est l’impact de cette intervention sur l’image de la ville?» s’interroge-t-elle.

Tâche cantonale

Directrice municipale de la Sécurité, Barbara Schwickert n’a pas été informée de l’opération: «La lutte contre la drogue est une tâche exclusivement cantonale», indique cette écologiste. Cette conseillère municipale s’interroge: Bienne est-elle la seule ville concernée? «Si oui, elle serait stigmatisée.» Un hélico a-t-il été engagé? «Si oui, ce serait disproportionné.»

Barbara Schwickert n’applaudit pas l’intervention policière: «La priorité des autorités biennoises, ce n’est pas le fumeur de cannabis, mais c’est le trafiquant de cocaïne et d’héroïne et d’une façon générale, la vente de stupéfiants à des mineurs», dit-elle.

Pour la directrice de la Sécurité, des cultures indoor sont un problème autrement plus important que «quelques plantes sur un balcon». Tout en confirmant sa razzia, la police bernoise refuse de la commenter pour des raisons «stratégiques». Les fumeurs de joints n’ont pas fini d’en découdre avec la police: «Cette opération n’avait pas un caractère unique: il y en aura d’autres», prévient Florie Marion.

Tags: analyse, Barbara Schwickert, Bienne, destruction, Emilie Moeschler, Florie Marion, Grand Conseil, police, répression, saisie, suisse, THC, tribunal

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