Extrait du journal alterEGO  n°70 (septembre 2011), issu du dossier “Cannabis, la fin de la prohibition ?” pages 8 à 13

http://www.ego.asso.fr/publications/alter-ego

Télécharger la page 9 en pdf

Mireille Riou (EGO) : Vous vous êtes prononcé pour la légalisation du cannabis. Comment êtes-vous arrivé à cette prise de position ?

Daniel Vaillant (député maire du XVIIIe arrondissement de Paris) : Il m’a paru nécessaire de sortir de la prohibition et du tout répressif pour réfléchir à une légalisation contrôlée de la consommation et de la production du cannabis, c’est à dire dans des conditions encadrées par la loi pour porter un coup au trafic et à la criminalité organisée.
Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de faire la promotion de l’usage du cannabis mais de faire l’état des lieux d’une pratique malheureusement installée dans notre société et qu’il faut réglementer.
La police et la justice, qui fondent légitimement leur action sur la loi de 1970, consacrent beaucoup de leurs moyens à la répression, sans être en situation d’endiguer le phénomène. La France s’illustre en outre par une législation des plus répressive et prohibitionniste d’Europe alors que le niveau de consommation, notamment chez les 15-24 ans est l’un des plus forts d’Europe. Pourtant dans notre pays, ouvrir le débat sur la politique des drogues reste tabou. Il est de notre rôle de parlementaires et de notre responsabilité d’ouvrir le débat sur le cannabis, et de faire des propositions, sans démagogie, mais avec courage et lucidité.

M.R. : Est-ce votre expérience de ministre de l’intérieur ou celle de maire d’un arrondissement particulièrement touché par la drogue qui vous a fait évoluer ?

Daniel Vaillant

Daniel Vaillant, Député maire du XVIIIe arrondissement de Paris

D.V. : Ce sont les deux bien sûr ! Toutes mes expériences ont inspiré ma réflexion sur le sujet. Je ne vis pas en dehors de la société. Le 18ème est confronté à la consommation de cannabis. Les parents sont parfois démunis et les élus locaux aussi. Il ne faut cependant pas confondre le cannabis avec d’autres drogues qui frappent durement notre arrondissement, comme le crack. Poser la question des risques du cannabis sur la santé, avec lucidité et sans démagogie, doit nous permettre de faire la distinction dans les différents modes de consommation. En effet, il convient de distinguer l’usage récréatif et occasionnel, qui a un impact limité sur la santé, même si les effets se font ressentir dès la première bouffée, de l’usage problématique d’une personne fumant du matin au soir afin d’évacuer un mal être.

M.R. : Que répondez-vous à ceux qui voient dans la légalisation du cannabis une incitation à la consommation ?

D.V. : Ils se trompent bien sûr : Si l’interdit sur ce sujet, comme d’autres d’ailleurs, était la solution qui permette d’endiguer le phénomène, nous serions prêt à l’accepter. Il se trouve que la loi de 1970 fondée sur l’interdit, la prohibition et la répression n’a en rien fait baisser la consommation, bien au contraire ! Quand la loi est inapplicable, ne faut-il pas changer les choses ?

M.R. : Quelle est votre position quant à l’usage des autres produits stupéfiants ?

D.V. : Je n’ai pas la prétention d’apporter des réponses à tout ! Les drogues sont de vrais dangers. De nombreuses familles sont dévastées par la drogue. Les élus n’ont pas de réponses face aux plaintes et souffrances quotidiennes des riverains qui subissent les nuisances liées à la consommation et au deal. Autant de questions auxquelles nous serons confrontés en 2012. Il est de notre devoir d’y répondre sans nier la réalité, sans démagogie, mais avec courage et lucidité. Il faut à la fois savoir lutter contre l’offre et contre la demande par une véritable politique de prévention.

M.R. : Pensez-vous que cette question puisse venir dans le débat des prochaines échéances électorales ?

D.V. : Bien sûr, il y viendra nécessairement ! Voila pourquoi j’ai voulu que le PS se dote d’éléments de réponses novateurs et courageux. C’est le rôle d’un parti de gouvernement ! Nous savons déjà que certains nous accuseront d’irresponsabilité en franchissant l’interdit. Nous voulons inverser l’approche : l’interdit ne comporte-t-il pas aussi le risque de vouloir le braver ?
Il faut savoir que s’enfermer dans une prohibition inefficace revient à tolérer la situation actuelle pourtant préoccupante et donc l’accepter, la subir, et finalement fermer les yeux. Le statu quo c’est  le laxisme !

Tags: criminalité, Daniel Vaillant, franchise, interview, légalisation contrôlée, lucidité, prohibition, répression, trafic

| Fil RSS des commentaires pour ce billet

Les commentaires sont clos.