Les tests de dépistage du cannabis sont-ils fiables ?

ndr : Il serait peut-être temps de se poser la question…..?

Destination Santé

RapidStat®, le test salivaire de dépistage du cannabis utilisé lors des contrôles routiers par les forces de l’ordre, serait-il sur la sellette ? Selon plusieurs études publiées depuis sa mise sur le marché en août 2008, cet outil présenterait en effet de bien « piètres performances ». C’est ce qu’a expliqué hier le Dr Patrick Mura, du service de toxicologie du CHU de Poitiers lors d’une séance à l’Académie nationale de Pharmacie.

Qu’ils soient salivaires ou urinaires, les tests de dépistage des drogues se présentent sous la forme de bandelettes. « Si le sujet a consommé du cannabis, le THC – le tétrahydrocannabinol est le principe actif du cannabis, n.d.l.r. – se fixera sur l’anticorps présent sur la bandelette et on observera une absence de coloration », a précisé le Dr Mura. Une bande colorée est donc synonyme de test négatif. Si elle reste blanche, il est positif.

Comme le souligne le médecin, avant d’être approuvé pour une utilisation par les forces de police et de gendarmerie, RapidStat® « n’avait fait l’objet d’aucune validation scientifique. C’était un prototype ». Les risques d’erreur seraient donc nombreux. C’est d’ailleurs ce que montrent différents travaux récemment publiés. L’un d’eux, précisément réalisé par le Dr Mura et son équipe à poitiers, fait état de « de 10,1% de faux positifs ». Un travail belge publié début 2010 pour sa part, révèle la « présence de 16% de faux positifs et19% de faux négatifs » !

« Aucun test commercialisé, qu’il soit salivaire ou urinaire, ne peut échapper à ces risques d’erreur », poursuit le scientifique. Il fait également référence au NarcoCheck THC Prédosage®. « Ciblé sur le cannabis, ce test urinaire est vendu aujourd’hui sur Internet au prix de 8,90 euros ». Il peut donc être utilisé par le grand public, particulièrement par les parents qui veulent savoir si leur adolescent consomme ou non du cannabis. Il sera «  bientôt vendu en France dans les pharmacies. (…) alors qu’il n’a fait l’objet à ce jour d’aucune validation scientifique », enchaîne le Dr Mura.

A ses yeux, « il apparaît indispensable que la mise en vente de ces tests soit précédée d’une évaluation scientifique professionnelle, tant sur leurs performances que sur leurs indications ». Autrement dit, les aspects scientifiques doivent prévaloir sur les arguments commerciaux. Elémentaire…

Source : Académie nationale de Pharmacie, 22 septembre 2010

Drogues: haro sur les tests salivaires et urinaires

Slate (Jean-Yves Nau)

L’Académie de pharmacie dénonce les méthodes de dépistage utilisées par les forces de l’ordre comme celles qui sont en vente libre.

L’Académie nationale de pharmacie a, mercredi 22 septembre, officiellement dénoncé l’usage fait, depuis un an, par les forces de l’ordre d’un test censé identifier, à partir d’un simple prélèvement de salive, la consommation de drogues et de certains médicaments. Ce test ne fournit pas selon elle les performances annoncées et donne un grand nombre de faux résultats. Cette même institution réclame — et pour les mêmes raisons — l’interdiction de la libre commercialisation des tests urinaires, de plus en plus fréquemment utilisés, censés identifier la consommation de cannabis chez les enfants et les adolescents.

Commercialisés (près de 500 euros les 25 doses) sous le nom de marque Rapid STAT, le test salivaire utilisé par la police et la gendarmerie depuis août 2008 est présenté comme pouvant, en 13 minutes seulement, détecter «de 2 à 6 drogues». Il s’agit des amphétamines et des méthamphétamines, de la cocaïne, du cannabis, des opiacés et des médicaments de la famille des benzodiazépines. Son fabriquant vante les mérites de sa sensibilité précisant que le cannabis peut être détecté à partir de 15 nanogrammes par millilitre de salive.

Faux négatifs, faux positifs

Le Rapid STAT avait été officiellement retenu après une série d’expérimentations au terme desquelles il avait été perçu comme «le plus fiable et le plus réaliste». L’Académie nationale de pharmacie ne se prononce pas sur le caractère «réaliste» de ce test de dépistage mais bien sur sa fiabilité :

«Les tests salivaires utilisés  par les forces de l’ordre depuis août 2008 non seulement ne fournissent pas les performances annoncées et requises, mais, de plus, leurs conditions d’utilisation ne sont pas correctement définies, dénonce-t-elle Plusieurs études récentes ont montré que leur mise en œuvre est à l’origine d’un grand nombre de résultats faussement  négatifs et/ou positifs.»

En d’autres termes, avec Rapid STAT, vous pouvez être identifié, à tort, comme ayant consommé des substances illicites ou en avoir consommé sans être identifié. Pour l’Académie, «c’est seulement  le contrôle sanguin a posteriori qui permet de justifier le contrôle de police.» Ces conclusions font suite aux travaux conduits par le Pr Patrick Mura  chef de service du Laboratoire de Toxicologie et Pharmacocinétique du CHU de Poitiers. «Rapid STAT a été choisi en France en 2008 alors même que ce test n’avait fait l’objet d’aucune validation scientifique, explique-t-il. En avril 2010 un article publié dans le Journal of Analytical Toxicology révèle qu’il n’est pas suffisamment performant pour le cannabis, avec 10,8% de résultats faussement positifs. Un autre article de 2010 dans Forensic Science International indique qu’il conduit à 16% de faux positifs et 19% de faux négatifs, alors qu’un autre test salivaire, le Drug Test 5000, présente «seulement» 4 % de faux positifs et 6% de faux négatifs. Une étude réalisée en France également en 2010 sur les résultats du Rapid STAT confirme ces données.»

Il en va de même, selon le Pr Mura avec le test urinaire NarcoCheck Prédosage. Ce dernier, commercialisé depuis mats 2010 en France,  est proposé par le fabriquant avec, sur le même test urinaire, trois seuils différents de positivité, permettant ainsi «aux parents de savoir si leurs enfants fument du cannabis et d’établir un réel suivi de leur consommation, en distinguant concentrations urinaires faibles, significatives ou fortes». Or pour le Pr Mura, «cet  argument de vente ne résiste pas à l’analyse scientifique». Le fabriquant évoque quant à lui une «fiabilité à 99%» et des résultats en dix minutes.

Rendre la lutte contre la toxicomanie plus productive

«Les home-tests urinaires, de plus en plus largement et librement diffusés, notamment sur internet, ne permettent pas comme prétendu, d’estimer valablement l’importance de la consommation de cannabis, résume l’Académie nationale de pharmacie. Plus inquiétant encore ils sont susceptibles, faute d’expertise scientifique, d’induire une fausse information, avec les dégâts familiaux, sociaux, professionnels … que cela risque d’engendrer.»

Ces tests ne devraient pas être autorisé à la vente «sans une sérieuse évaluation scientifique préalable effectuée par des professionnels, tant sur leurs performances que sur leurs indications.»

On aurait tort de conclure que les membres de cette prestigieuse institution plaident indirectement ici en faveur de la dépénalisation de la consommation de cannabis. Bien au contraire. Cette Académie considère que seuls des professionnels de santé peuvent garantir l’utilisation pertinente des tests de dépistage urinaire des drogues, en particulier du cannabis. «Il ne faudrait pas, conclut-elle, que l’intensification indispensable de  la lutte contre la toxicomanie, et notamment la pandémie cannabique qui en est une des  composantes majeures, soit hypothéquée par des pratiques incontrôlées au risque d’être contre-productives.»

Jean-Yves Nau

Tags: tests salivaires

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