Le cannabis fait tout un foin

image Le Dr Colombera sait qu’il a joué «en zone grise».

Il a reçu la visite de la police dans son cabinet. Le médecin et député ADR a vécu une perquisition mais il s’y attendait. Il croit tellement en sa cause qu’il ne se fait pas trop de soucis pour l’avenir. En attendant d’être auditionné par les enquêteurs, début novembre, il organise sa manifestation de demain et reçoit la visite de nombreux journalistes…
De notre journaliste Geneviève Montaigu

Il n’attend pas la première question, saisit un journal qui se trouve étalé sur le canapé et le pose sur la table basse du salon. Il n’a pas encore levé les yeux vers son interlocuteur, ou à peine, qu’il pointe son longiligne index, sur une photo et un nom. «C’est William Courtney, un médecin américain qui sera là jeudi (NDLR: demain) pour la manifestation devant le ministère de la Santé. Ce médecin a guéri le cancer de sa femme avec du chanvre.» On commence fort.
Demain, il sera devant la Villa Louvigny pour manifester en faveur du cannabis à usage thérapeutique. Et en attendant, le Dr Colombera consulte, non pas à son cabinet d’Ettelbruck, mais au siège de la fraction ADR, rue de la Loge dans la vieille ville. Il n’arrête pas de donner des interviews depuis que la police a fait une descente chez lui, la semaine dernière, après la diffusion d’un reportage sur RTL Télé Luxembourg. Devant les caméras, il avoue prescrire du cannabis à certains de ses patients. «Ils ont pris huit dossiers», précise-t-il.
Lui sera entendu par la police début novembre. Les enquêteurs doivent d’abord interroger tous les témoins. Le médecin et député a dû interrompre de suite ses prescription de cannabis. De toute manière, il savait depuis juillet que cela lui pendait au nez.
Il va manifester devant le ministère mais il sait qu’il a joué «en zone grise», dit-il, en se référant à un règlement grand-ducal du 24 mars 1974 «qui dit que toutes les substances psychotropes doivent être soumises à une autorisation du ministère. Le tétrahydrocannabinol (NDLR: THC, principe actif du cannabis) doit être autorisé par le ministère pour prescription. Mais j’ai vu un autre règlement grand-ducal daté de deux jours plus tard, sur les stupéfiants. Il autorise l’usage du cannabis sous forme de résine ou de teinture et cela m’a donné l’idée de prescrire du cannabis que l’on trouve en pharmacie, aux Pays-Bas ou en Allemagne et provenant de la firme Bedrocan.»
«Le ministre mal conseillé»

Dans ce cas où est le problème? On attend la réponse d’autant que sa référence à la législation n’était pas très claire. «Dans le chanvre, il y a deux groupes. Le premier est appelé le groupe THC avec neuf cousins qui sont considérés comme psychotropes, psychoactifs et peuvent déclencher des états d’euphorie. Le deuxième groupe est celui des CBD qui ont des vertus anti-inflammatoires, immunitaires et protectrices du cerveau. Ce groupe ne contient pas de psychoactifs, c’est très important. Le conseiller du ministère s’est trompé quand il a déclaré à la télé qu’il y a dans la plante 62 substances psychoactives. C’est faux, c’est exactement le contraire.»
À partir de là, on ne l’arrête plus. Il détaille le processus de fabrication des médicaments à base de THC extrait de la plante. Et de conclure que toute la plante pourrait être utilisée telle quelle vu que le reste des substances qu’elle contient ne sont pas considérées comme psychoactives. «Mais le ministre est mal conseillé», soupire Jean Colombera.
Et lui mal renseigné sur la législation en vigueur, vu que sa pratique lui a valu une plainte et une descente de police. Mais en même temps, cette histoire alimente les nombreux sites qui traitent du sujet très actuel de l’usage des cannabinoïdes à des fins thérapeutiques. Celui de l’Union francophone pour les cannabinoïdes en médecine (UFCM), par exemple, a été créé par le Dr Colombera en avril dernier. Il est aussi le président de cette union fréquentée par des médecins de tous les horizons, fervents militants en faveur de l’usage du cannabis.
Car la liste des maladies que le cannabis peut soigner est longue. Le Dr Colombera en énumère des chariots pleins. Et ça va de l’épilepsie à la sclérose en plaques en passant par la prévention de certains cancers. Des pathologies lourdes que le cannabis peut contribuer à combattre, sinon à soulager.
La médecine par les plantes, on y croit ou on n’y croit pas. Mais demain, les manifestants dont on ignore combien sont attendus, viendront dire sous les fenêtres du ministère que le cannabis fait moins de dégâts que l’usage de certains psychotropes autorisés et remboursés.
Dans l’usage du cannabis, «tout est dans le dosage», fait observer le Dr Colombera. Là encore, il l’aurait largement dépassé. «Pour éviter au patient de faire des allers et retours aux Pays-Bas ou en Allemagne», précise-t-il. C’est sûr, l’usage sous forme de tisane ou d’inhalation demande une certaine quantité de marijuana. En bon médecin, il est contre le tabagisme et ne recommande pas de faire tourner le pétard.
L’usage du cannabis en médecine est une affaire sérieuse.

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